Après la COVID-19 : la survie de humanité passe par des vacances annuelles de la Terre


Myriam Watat Kapseu

Université d’Ottawa

« Nous avons appris à la fin du XXe siècle qu’à la vision d’un univers obéissant à un ordre impeccable, il faut substituer une vision où cet univers est le jeu et l’enjeu d’une dialogique entre l’ordre, le désordre et l’organisation » Morin (1999, p. 45). Cette assertion est plus vraie au vu de cette situation inédite que vit le monde en ce moment. L’année 2020, à peine commencée, nous aura fait voir de toutes les couleurs. Pourtant nous ne sommes pas sortis de l’auberge. En effet, alors qu’une épidémie sévissait déjà en Chine, beaucoup de pays pensaient que rien n’engageait une vigilance de leur part ; le Canada n’étant pas en reste. Quelques mois plus tard, une réalité implacable se présente devant nous : le coronavirus ou la COVID-19 est désormais une affaire internationale ; la pandémie du siècle. Notre réflexion porte sur les bouleversements que la COVID-19 a provoqué dans la société, à court, moyen et long termes.

  1. LE CORONAVIRUS OU LA COVID-19

Selon les informations prises sur la page Internet de l’Agence de la santé publique du Canada (2020) « les coronavirus constituent une grande famille de virus. Certains provoquent des maladies chez les humains et d’autres chez les animaux » (paragr. 21). Les coronavirus humains sont courants et se traduisent généralement par de légers malaises, semblables à ceux du rhume. La COVID-19 jusqu’ici n’avait pas été diagnostiquée chez l’homme. Selon les experts scientifiques, tout est parti d’une contamination croisée homme-pangolin. D’après les derniers rapports de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la situation épidémiologique du coronavirus évolue à une vitesse vertigineuse et le monde entier fait face à une crise sanitaire. C’est ce que l’OMS qualifie de pandémie.

1.1 Court terme : Mon expérience

C’est progressivement que j’ai réalisé l’ampleur de la situation. En effet, quelques jours avant la date de confinement imposée dans la province de l’Ontario, j’effectuais un remplacement dans une classe avec un élève dont la maman avait été déclarée positive au coronavirus. Nous l’avons appris juste après la fermeture de l’école. Une psychose s’est dès lors déclenchée. Entre les symptômes apparents (toux, fatigue) que je développais, mon anxiété qui s’exacerbait du fait de rester confinée à la maison, la solitude et les nouvelles de plus en plus négatives, j’ai connu en un laps de temps une véritable descente aux enfers. Ce cocktail explosif aurait pu avoir raison de moi plutôt que la COVID-19 en lui-même. Fort de mes convictions qu’une interaction des STSE (sciences, technologies, société et environnement) contribue à une meilleure stratégie de développement durable et par conséquent, une meilleure qualité de vie, j’ai tenu bon. Toutefois, le fait d’être privée de liberté brusquement a eu un impact désastreux sur mon équilibre psychologique.

 On se souvient que l’une des recommandations phares de l’OMS est la distanciation sociale – maintenant, physique. Cette restriction de contacts et des vas et viens pourrait s’assimiler à une prison dorée. Vivre brusquement cette coupure et s’isoler de la société a été un choc pour moi et pour bien d’autres personnes.

1.2 Projection moyen terme

Contrairement à moi, pour qui, ce revirement à 180 degrés a été un choc, mes voisins d’à côté semblaient plus sereins. Sauf que, à mesure que le temps avançait, ce sont des cris qui venaient me chercher chaque soir. En effet, ma voisine était victime de violence conjugale de la part de son conjoint ; deux semaines coincées dans le même espace auraient réveillé les élans brutaux du monsieur. À ce propos, le Journal français La Dépêche dans sa publication du 12 avril 2020 parle d’une augmentation de 30 % du taux de violence conjugale en France, seulement après une semaine de confinement. TVA Nouvelle dans son article paru le 13 avril 2020 parle de l’intervention du Pape sur ce sujet par ces trois mots : « prions pour elles ».  Selon un rapport de la police chinoise parue il y a quelques semaines, cette pandémie aurait causé une hausse de demandes de divorce (K.F., 2020). Beaucoup de couples ne supporteraient pas de vivre tout le long de la journée ensemble. Il s’en suit donc un effritement de la base familiale, dégâts collatéraux de cette pandémie.

Certains chercheurs anglais dans une revue scientifique (« The Lancet ») récemment rendue publique ont attiré l’attention sur les conséquences désastreuses de cette pandémie sur le plan psychologique. D’après cette étude, de « The Lancet », publiée le 26 février 2020, l’obligation d’une quarantaine massive peut engendrer des coûts psychologiques lourds sur la société, le pire étant de créer une épidémie autre que celle du coronavirus.

2. ANALYSE ET MATÉRIEL DE L’ÉTUDE PARUE DANS « THE LANCET »

2.1 Aspect social

L’analyse faite par « The Lancet » sur les conséquences du confinement s’appuie sur un ensemble d’études sur le dudit sujet basées sur les épidémies d’Ébola en 2014, la grippe H1N1 en 2009 et 2010, et le SRAS en 2003 (Thompson, 2020). En effet pour contrer la propagation de ces épidémies, le confinement avait été préconisé. France tvinfo dans sa parution du 22 mars 2020, ayant relayé les résultats de cette analyse dans un rapport, a confirmé que les villes mises sous quarantaine lors de ces différentes épidémies étaient affectées d’un bilan psychologique préjudiciable. Ils avaient fait mention d’une liste de symptômes post confinements survenus tels que fatigue émotionnelle, stress, insomnie, colère, dépression, et plusieurs syndromes post-traumatiques (Thompson, 2020). Selon Neil Greenberg, psychiatre anglais interviewé par France info, une flambée de comportements agressifs du fait de l’isolement brusque résultait de cette analyse. La sensation de frustration et d’isolement n’était pas en reste (Thompson, 2020). Cette étude viendrait donc appuyer le comportement agressif vécu par mes voisins récemment. D’après le psychiatre anglais Greenberg (Thompson, 2020), les conséquences de la distanciation sociale peuvent être gravissimes chez les personnes fragiles ou anxieuses comme ce fut dans mon cas.

Plusieurs études épidémiologiques révèlent ainsi des conséquences aussi bien à court, moyen et long termes. Les chercheurs de cette revue scientifique (« The Lancet ») confirment qu’après la baisse de l’épidémie dans la province de Hubei où se trouve la ville de Wuhan, des personnes ont pris des mois pour retrouver leur vie normale. Le sentiment de méfiance participerait encore à cristalliser le retour à une vie moins stressante. Ils ont noté la crainte de se faire contaminer de nouveau chez certains individus. Un autre point était que le fait de vivre ensemble cette pandémie pourrait créer un sentiment d’apaisement sur le long terme (Brooks et al., 2020).

« Ne dit-on pas que partager une même réalité, même négative a le don de nous soulager? »

2.2 L’aspect technologique

Les entreprises ont dû se réorganiser pour un travail à distance. La transition devait se faire de façon efficace et efficiente. Très vite, le télétravail est devenu la meilleure alternative pour la continuité du travail. Les industries à la traine se sont activées pour une mise à jour rapide de leur logiciel de travail ; banques, petites et moyennes entreprises, il fallait rapidement limiter les dégâts sur l’enjeu économique. À l’heure du numérique, il n’est pas question de rester à la traine. Certains outils permettent désormais d’accomplir les tâches à la maison sur l’appareil de son choix. Le gouvernement canadien s’attèle quant à lui à soutenir ces entreprises, mais surtout les encourage à continuer d’intégrer le télétravail sur le long terme. Une mesure qui s’est également appliquée chez les enseignant·e·s que nous sommes, car obligé·e·s de rester à la maison avec l’arrêt des cours.

Une autre révélation des sciences technologiques est la technologie ultraviolette (UV) pour désinfecter les autobus en Chine comme nous en parlait le journal Métro de Montréal dans une de ses éditions matinales (du 15 mars 2018). Cette méthode de prévention à haute technologie et ultrarapide permet de désinfecter non seulement les autobus, mais aussi les ascenseurs. Ces UVS étaient aussi utilisés dans les hôpitaux pour une désinfection assez rapide. Une production active des bracelets électroniques pour surveiller les personnes censées être en quarantaine également a été observée à Hongkong.

2.3 Aspect environnemental

Selon plusieurs études relayées par les médias sociaux, l’environnement n’est pas en reste dans les impacts causés par la COVID-19. En effet, le ralentissement du flux de fabrication de plusieurs usines de transformation permet de réduire la consommation d’énergie et les émissions des gaz à effet de serre. Une étude réalisée en Chine par « Carbon Brief »(un site Web sur les sciences de climat) rapportée par Radio-Canada dans sa parution du 13 mars 2020, souligne que cette baisse significative est aussi en rapport avec le confinement, grâce à la réduction de la circulation automobile (Gris Roy, 2020). Dans les grandes villes du monde, on note une amélioration de la qualité de l’air ; les animaux aussi s’en sont rendu compte en se manifestant à des endroits improbables. Même la biodiversité marine se réjouit de ce confinement : les eaux du Venise se sont éclaircies et plus de poissons et bien d’autres espèces y abondent. Mais d’après cette étude de « Carbon Brief », notre optimisme est à prendre avec un grain de sel, car une fois le confinement passé, plusieurs entreprises devront tripler leur production (Gris Roy, 2020).

CONCLUSION

Sans l’ombre d’aucun doute, il y a une connexion entre la pandémie du coronavirus et les STSE. En effet, toutes les strates de la société ont été ébranlées. Le récit de mon vécu personnel vient corroborer des faits ; de même que la prolifération des violences conjugales. Une structure familiale saine est le gage de l’établissement d’une société saine. La technologie et l’environnement ne sont pas en reste tel que mentionné plus haut.

On se souviendra donc de la COVID-19 en pensant comme Edgar Morin (1999) « qu’il y a du possible encore visible dans le réel » (p. 47). Ce virus apparu sans prévenir s’est imposé tel un roi.

« Dans un instinct de survie, le monde a cessé de courir. »

Dans un vent de réjouissance, la nature respire, elle s’épanouit enfin. Pourtant la vie continue ; pas aussi déchainée comme nous la connaissions, mais vivante tout de même. Alors quand tout sera redevenu normal l’humanité pourrait-elle se réorganiser pour sa survie, et penser à accorder des vacances annuelles à cette terre que nous habitons ?


RÉFÉRENCES

Agence de la santé publique du Canada. (2020). Maladie à coronavirus (COVID-19) : Symptômes et traitement. Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/2019-nouveau-coronavirus/symptomes.html

Agence France-Presse. (2020, 13 avril).  Le pape met en garde contre le risque de violence conjugale. TVA Nouvelles. https://www.tvanouvelles.ca/2020/04/13/le-pape-met-en-garde-contre-le-risque-de-violence-conjugale

Brooks, S. K., Webster, R. K., Smith, L. E., Woodland, L., Wessely, S., Greenberg, N. et Rubin, G. J. (2020). The psychological impact of quarantine and how to reduce it: Rapid review of the evidence. The Lancet, 395(10227), 912‑920. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30460-8

Gris Roy, C. (2020, 13 mars). La pollution semble baisser avec la COVID-19 : est-ce une bonne nouvelle ? Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1662778/impact-pollution-air-coronavirus-chine-co2-carbon-brief-nasa

Journal Métro. (2020, 15 mars). Coronavirus : la technologie UV utilisée pour désinfecter en Chine. https://journalmetro.com/art-de-vivre/2429416/coronavirus-la-technologie-uv-utilisee-pour-desinfecter-en-chine/

K. F. (2020, 18 mars). Coronavirus : les demandes de divorce en hausse après le confinement en Chine. RTBF.be. https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-les-demandes-de-divorce-en-hausse-apres-le-confinement-en-chine?id=10461394

La Dépêche (2020, 12 avril).  Coronavirus : les violences conjugales en hausse de 30 % pendant le confinement. https://www.ladepeche.fr/2020/04/12/coronavirus-les-violences-conjugales-en-hausse-de-30-pendant-le-confinement,8843584.php

Morin, E. (1999). Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur. Paris : Seuil

Organisation mondiale de la Santé. (2020, avril 27) COVID-19 – Chronologie de l’action de l’OMS. https://www.who.int/fr/news-room/detail/27-04-2020-who-timeline—covid-19

Thompson, Y. (2020, 22 mars). Coronavirus : quels sont les risques du confinement pour notre santé mentale ? Franceinfo. https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-quels-sont-les-risques-du-confinement-pour-notre-sante-mentale_3869933.html

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